Il y a beaucoup d’idées reçues autour de l’éco-conception d’un site web. Dans un précédent article, j’ai déjà analysé 5 idées reçues sur les sites éco-conçus.
Dans cet article, j’aimerais revenir plus en détail sur une de ces idées reçues : « Ça ne sert à rien l’éco-conception sur un site web ! »
Dit autrement, est-ce un impact négligeable (et, dans ce cas, autant passer notre chemin) ou est-ce que l’éco-conception des sites web tend à devenir la norme ?
Ma conviction est la suivante : nous avons urgemment besoin de décarboner nos sociétés et de réduire nos consommations en ressources. L’époque du gaspillage d’énergie et de minerais touche à sa fin. Et tous les secteurs sont concernés.
En 20 ans, le poids des pages a été multiplié par 115.
Cela augmente évidemment la consommation d’énergie des centres de données, mais pousse également les utilisateurs eux-mêmes à renouveler leurs téléphones et ordinateurs qui ne sont plus en mesure de consulter ces pages.
Dans cet article, je vous explique :
- quelles économies de CO2 espérer grâce à l’éco-conception d’un site web ;
- pourquoi l’éco-conception n’est pas encore un réflexe (même quand il s’agit d’entreprises engagées pour le climat) ;
- comment obtenir, en quelques minutes, un ordre de grandeur de l’empreinte carbone de votre site Internet.
Quelles sont les motivations : souci d’exemplarité ou véritable impact ?
Dézoomons quelques instants pour comprendre ce qu’est la pollution numérique.
Le numérique émet aujourd’hui 4 % des gaz à effet de serre du monde, et sa consommation énergétique s’accroît de 9 % par an.
The Shift Project a publié en octobre 2018 le rapport Lean ICT – Pour une sobriété numérique (2018) qui présente ce camembert : Source : https://theshiftproject.org/article/climat-insoutenable-usage-video/
La fabrication de nos équipements (ordinateurs, smartphones…) pèse pour près de la moitié de la consommation énergétique du numérique. Limiter leur renouvellement et privilégier l’achat de seconde main doit être notre priorité.
Les centres de données et réseaux de transmission représentent 35 % de la consommation énergétique du numérique.
La vidéo en ligne (aussi appelée streaming) génère quant à elle 60 % des flux de données mondiaux.
Il est clair qu’à un niveau individuel, les 3 premiers sujets à adresser en ce qui concerne la pollution numérique sont :
- Limiter le renouvellement des équipements.
- Réduire le poids des vidéos mises en ligne, la qualité dans laquelle nous les regardons et notre consommation de streaming.
- Choisir, pour notre propre site, un hébergeur pionnier en matière de sobriété énergétique (sur ce point, je recommande d’utiliser Infomaniak si vous souhaitez facilement limiter l’empreinte carbone de votre site Internet).
Diviser par 20 les émissions de CO2 de votre site Internet
Vous l’aurez compris, les émissions de CO2 des sites Internet n’arrivent qu’en 4e position, mais cela ne signifie pas pour autant que c’est inutile de s’y intéresser.
Les émissions de CO2 indiquées par des sites comme https://www.websitecarbon.com/ doivent être considérées comme des ordres de grandeur qui vous permettent de suivre votre progression.
À titre d’exemple, grâce à ma formation en éco-conception, j’ai divisé par 20 les émissions de CO2 des sites que je propose à mes clients.
Pour les sites avec peu de trafic, est-ce vraiment important ?
Chaque fois qu’une page web est visitée, une requête est envoyée au serveur qui héberge le site.
Cette requête demande au serveur de traiter les données et de renvoyer les informations nécessaires pour afficher la page sur l’appareil de l’utilisateur.
Donc, plus un site a de trafic, plus ses émissions de CO2 seront élevées.
Ne pas s’occuper de l’éco-conception d’un site web, c’est comme rouler avec une remorque pleine parce qu’on a la flemme d’aller à la déchetterie.
Votre voiture va consommer plus d’essence, juste parce que vous traînez des trucs inutiles. Et, plus vous faites de kilomètres (ou dans le cas d’un site, plus vous avez de visites), plus vous émettez de CO2.
Pourquoi si peu d’entreprises s’intéressent-elles à l’éco-conception ?
Ce n’est pas plus long, plus difficile ou plus coûteux que les méthodes traditionnelles.
Ça demande surtout de se concentrer sur les besoins essentiels du site, de supprimer les fonctionnalités superflues et d’accepter d’avoir un site qui repose plus sur le texte que sur des photos et animations.
Voici un rapide résumé des avantages et inconvénients de l’éco-conception d’un site web
Éco-conception avec WordPress | Pas d’éco-conception | |
Design et esthétique | Bonne Design minimaliste pour réduire le besoin de ressources serveur. | ExcellenteLiberté totale dans les choix esthétiques et l’utilisation d’images, vidéos… |
Référencement dans Google (SEO) | Excellente Meilleure vitesse de chargement des pages, ce qui améliore le référencement. | BonneLe site n’est pas « léger » par conception, il est nécessaire de rester vigilant sur ce point. |
Capacité à vendre | Excellente Le texte, ce n’est pas ce qui pèse lourd. On peut avoir d’excellents taux de conversion sur un site éco-conçu dès lors qu’un bon travail de copywriting a été fait. | Excellente Même remarque, cela dépend du travail de copywriting réalisé. |
Coût | Identique |
Pourtant, les sites éco-conçus sont encore largement minoritaires. Cela s’explique selon moi par 2 raisons.
- Il est difficile d’investir du temps et de l’argent pour changer quelque chose qui fonctionne. Si votre site est déjà créé, vous amène du trafic et que vous êtes pris par d’autres tâches, l’éco-conception ne sera pas votre priorité. Le plus souvent, c’est en profitant d’un besoin de refonte plus globale qu’on réduit en même temps l’empreinte carbone du site.
- La plupart des agences et des freelances ne sont pas formés. J’ai appris à créer des sites en 2016 et c’est seulement en 2022 que j’ai commencé à intégrer les bonnes pratiques de l’association Green IT.
Un site n’est pas éco-conçu en soi, il est plus ou moins éco-conçu en fonction d’une version de référence
Il me semble important de rappeler qu’un site n’est pas éco-conçu dans l’absolu, il est plus ou moins consommateur de ressources par rapport à son ancienne version ou par rapport à la moyenne des sites de votre thématique.
Éco-conception de site : savoir où vous vous positionnez
Je vous conseille d’utiliser Website Carbon. Il calcule la quantité de CO2 produite lors de la visite d’une page et vous aide à positionner votre site par rapport aux autres sites testés.
Attention cependant, les chiffres indiqués sont là dans un but de sensibilisation, ne les considérez pas exacts au gramme près.
Plus concrètement, l’analyse de votre site passe aussi par 5 questions simples que j’ai détaillées dans l’article Avoir un site web écologique avec WordPress en 5 étapes (quand on ne sait pas coder) :
- Hébergeur : À quel point votre hébergeur fait-il preuve d’exemplarité en matière de sobriété énergétique ?
- CMS : Quel logiciel utilisez-vous pour gérer votre site ? WordPress, Shopify, Wix, Squarespace… ?
- Thème : Si vous utilisez WordPress, quel thème utilisez-vous ? La manière dont le thème a été codé influence énormément le poids de votre site.
- Extension : Si vous utilisez WordPress, combien d’extensions avez-vous ajoutées à votre site ? Sont-elles toutes nécessaires ? Si vous n’utilisez que 10 % d’une extension, ne pouvez-vous pas remplacer cette extension par une alternative plus low-tech ?
- Contenu on-page : Quel est la place des images, vidéos et animations dans la construction de vos pages ? Pouvez-vous réussir à convaincre vos visiteurs plutôt par du texte et des illustrations que par des contenus lourds à héberger ?
Que retenir sur l’éco-conception d’un site web ?
L’éco-conception d’un site web est à la fois une nécessité face aux enjeux environnementaux actuels, mais également une démarche stratégique bénéfique pour votre entreprise à long terme.
Comme le montrent l’augmentation exponentielle du poids des pages web et leur conséquence sur la consommation énergétique, prendre des mesures pour alléger notre présence numérique est devenu impératif.
Et si nous cessions de voir l’éco-conception comme une contrainte, mais plutôt comme une opportunité de faire mieux avec moins de ressources ?